PAR
PAUL THUREAU-DANGIN
OUVRAGE COURONNÉ DEUX FOIS PAR L'ACADÉMIE FRANÇAISE
GRAND PRIX GOBERT, 1885 ET 1886
DEUXIÈME ÉDITION
TOME TROISIÈME
PARIS
LIBRAIRIE PLON
E. PLON, NOURRIT ET Cie, IMPRIMEURS-ÉDITEURS
RUE GARANCIÈRE, 10
1888
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I. Une ère nouvelle. Que va faire M. Thiers? Attente curieuse et inquiète. Dispositions des divers groupes. Tactique du président du conseil.—II. Gages alternativement donnés aux conservateurs et à la gauche. Déclaration du ministère. Discussion sur les fonds secrets. Attitude expectante et bienveillante de l'ancienne opposition.—III. Irritation des doctrinaires. Les ardents engagent quelques escarmouches à la tribune. M. Guizot est plus réservé. Les doctrinaires, dans leur opposition, ne sont pas suivis par une partie des conservateurs. Dislocation de la vieille majorité.—IV. M. Thiers esquive la conversion des rentes. Lois utiles. Tarifs de douane. Le budget. Succès personnel et infatuation du président du conseil.—V. Attentat d'Alibaud. La société des Familles. Blanqui et Barbès. Leur condamnation. La suppression de la revue du 28 juillet. Effet produit. Discrédit de la politique de concession.
La dissolution du cabinet du 11 octobre et l'avénement du ministèrede M. Thiers marquent une date importante dans (p. 2) l'histoire dugouvernement de Juillet. C'est la fin des luttes ouvertes, violentes,souvent sanglantes, soutenues par la royauté nouvelle contre lafaction révolutionnaire; luttes périlleuses, mais non sans grandeur,qui ont abouti à la défaite de cette faction. Désormais, la monarchiesemble maîtresse du présent et assurée de l'avenir; la paix extérieuren'est plus en péril; le pays jouit d'une sécurité matérielle et, parsuite, d'une prospérité inconnues depuis six ans. Mais cette sécuritémême engendre, dans le parti vainqueur, des divisions néfastes. Àl'ère des combats tragiques, va succéder, pendant près de cinq ans,l'ère parfois plus déplaisante et même plus nuisible des crisesparlementaires. Ces crises ont, dès cette époque, diminué dansbeaucoup d'esprits le crédit de cette forme de gouvernement libre,que, depuis 1814, la France avait empruntée à l'Angleterre; et nous nenous dissimulons pas qu'aujourd'hui, vues de loin, dépouillées duprestige oratoire qui enveloppait alors et voilait leurs misères,elles risquent de paraître plus laides et plus stériles encore.Conviendrait-il donc de glisser sur cette faiblesse passagère? On saitque cette histoire est, de parti pris, rebelle à de tellescomplaisances. Son système est de tout dire. Cette sincéritén'est-elle pas plus honnête, plus virile, plus digne du régime dontnous honorons la mémoire,