Madame
SANS-GÊNE
ÉMILE COLIN—IMPRIMERIE DE LAGNY
EDMOND LEPELLETIER
ROMAN TIRÉ DE LA PIÈCE
DE MM. VICTORIEN SARDOU ET ÉMILE MOREAU
Le Roi de Rome
PARIS
A LA LIBRAIRIE ILLUSTRÉE
8, RUE SAINT-JOSEPH, 8
Tous droits réservés
MADAME
SANS-GÊNE
CINQUIÈME PARTIE[1]
LE ROI DE ROME
Le 20 mars 1811, l'empereur Napoléon, au faîtede la puissance, à l'apogée de la gloire, apparaissaitdominateur en Europe, maître des destinéesdu restant du monde, arbitre de la paix et de laguerre, et rien ne semblait pouvoir ébranler sontrône étagé sur cinquante victoires, autour duquelles sabres glorieux des maréchaux illustres et les 2baïonnettes terrifiantes des grenadiers formaientune haie éblouissante et solide.
[1]L'épisode qui précède a pour titre: Madame Sans-Gêne.—LaMaréchale.
Les rois consternés, les successeurs fictifs deLouis XVI, las d'attendre une restauration deplus en plus improbable, oubliés du peuple enleurs exodes prolongés, écartés par les monarquescomme des cousins ruinés et compromettants,les anciens conspirateurs proscrits, pourchassés,démoralisés, renonçaient à leurs tentativesreconnues vaines et s'engourdissaient dansune résignation découragée;—tous ces ennemisde l'Empire, si abattus, si rampants, mais quidevaient se redresser bientôt furieux et impitoyables,dans la vapeur sanglante des désastres,alors n'avaient plus qu'un espoir, qu'une pensée:non plus la chute violente du colosse, mais lamort soudaine de l'homme.
«Ah! si Napoléon pouvait mourir!» tel était levœu farouche de tous ceux que l'Empereurgênait. Un implacable et opiniâtre ennemi soufflaitcette espérance à toutes les oreilles favorableset propageait dans chaque cour d'Europe lapossibilité de cette éventualité.
Cet ennemi mortel, c'était le comte de Neipperg,et l'on verra dans les pages qui vont suivre qu'ilchuchotait ce présage sinistre jusque dans lepalais même de Napoléon, où Marie-Louise, sansépouvante comme sans indignation, en recueillaitla rumeur.
La mort de l'Empereur, c'était le centre de ralliementde toutes les haines, de toutes les vengeances,de toutes les représailles et de toutes lesconvoitises