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1887
La vie d'Edgar Allan Poe n'est plus à raconter: ses derniers traducteursfrançais, s'inspirant des travaux définitifs de son nouvel éditeur J.H.Ingram, l'ont éloquemment vengé des calomnies trop facilement acceptéessur la foi de son ami et exécuteur testamentaire, Rufus Griswold. Endépit de ses mensonges, Edgar Poe reste pour nous et restera pour lapostérité, de plus en plus admiratrice de son génie, ce que l'a si biendéfini notre Baudelaire:
«Ce n'est pas par ses miracles matériels, qui pourtant ont fait sarenommée, qu'il lui sera donné de conquérir l'admiration des gens quipensent, c'est par son amour du Beau, par sa connaissance des conditionsharmoniques de la beauté, par sa poésie profonde et plaintive, ouvragéenéanmoins, transparente et correcte comme un bijou de cristal,—parson admirable style, pur et bizarre,—serré comme les mailles d'unearmure,—complaisant et minutieux,—et dont la plus légère intentionsert à pousser doucement le lecteur vers un but voulu,—et enfin surtoutpar ce génie tout spécial, par ce tempérament unique, qui lui a permisde peindre et d'expliquer d'une manière impeccable, saisissante,terrible, l'exception dans l'ordre moral.—Diderot, pour prendre unexemple entre cent, est un auteur sanguin; Poe est l'écrivain des nerfs,et même de quelque chose de plus—et le meilleur que je connaisse.»
Ajoutons que ce fut une bonne fortune exceptionnelle pour Edgar Poede rencontrer un traducteur tel que Baudelaire, si bien fait par lestendances de son propre esprit pour comprendre son génie, et le rendredans un style qui a toutes les qualités de son modèle. Pour notre part,nous ne parcourons jamais son admirable traduction sans regrettervivement qu'il n'ait pas assez vécu pour achever toute sa tâche.
La voie ouverte avec tant d'éclat par l'auteur des Fleurs du Malne pouvait manquer de tenter après lui bien des amateurs du géniesi original et si singulier que la France avait adopté avec tant decuriosité et d'enthousiasme. A mesure que de nouveaux Contes de Poeparaissaient, ils étaient avidement lus et traduits. Quelques-uns mêmeosaient, sous prétexte d'une littéralité trop scrupuleuse, refairecertaines parties de l'oeuvre de Baudelaire. C'est ainsi que parurenttour à tour les Contes inédits, traduits par William Hughes (1862),les Contes grotesques, traduits par Emile Hennequin (1882), et lesOeuvres choisies, retraduites après Baudelaire par Ernest Guillemot(1884).
Les Contes et Essais de Poe, dont nous publions aujourd'hui latraduction, sont à peu près inédits pour le lecteur français. Si nousnous sommes permis d'en reproduire deux: L'inhumation prématurée etBon-Bon, déjà excellemment traduits par M. Hennequin, c'est que, deson propre aveu du reste, il y a dans sa traduction des lacunes qui nousont paru assez importantes pour qu'on pût regretter cette mutilation, etla réparer au profit du lecteur.
Les morceaux critiques, tels que La Cryptographie, le Principepoétique, que nous traduisons pour la première fois, complèteront lasérie des ...