LES HOMMES ET LES IDÉES
PAR LE
Dr GUSTAVE LE BON
PARIS
SOCIÉTÉ DV MERCVRE DE FRANCE
XXVI, RVE DE CONDÉ, XXVI
MCMVIII
DANS LA MÊME COLLECTION
HENRI DE RÉGNIER ET SON ŒUVRE, par Jean de Gourmont,avec un portrait et un autographe1 vol.
Le but de cette conférence[1] est de vous raconterune merveilleuse et étrange histoire, qu’il ya dix ans à peine la science ne soupçonnait pas.Cette histoire est celle d’un morceau de matièrequelconque, de la pierre que vous heurtez survotre chemin, du papier qui est devant moi, desfragments de métal que vous maniez chaque jour.
[1] Conférence faite à Ostende en août 1907.
La science croyait autrefois, et beaucoup depersonnes croient encore, que la matière se composed’éléments inertes et indestructibles. Créésà l’origine des choses, ils devaient conserver àtravers tous les changements une durée éternelle.Rien ne se crée, rien ne se perd, disait lachimie, et elle était fondée à le dire, puisque,malgré toutes les transformations qu’on lui faisaitsubir, la matière paraissait toujours conserverle même poids.
La science nous apprend tout autre chose aujourd’hui.Elle nous montre la matière composéede petits systèmes solaires en miniature, formésd’éléments gravitant les uns autour des autresavec une immense vitesse et ne devant leur stabilitéqu’à cette vitesse même. Elle nous dit quel’atome est le siège de forces colossales auprèsdesquelles ne sont rien celles que l’industriemanie et que peut-être cette même industriepourra utiliser un jour. Elle nous dit encore quecette matière, siège d’une vie intense, possèdeune sensibilité invraisemblable qui la fait semodifier sous les influences les plus légères. Ellenous dit enfin que, loin d’être éternelle, la matièreobéit à cette loi fatale qui condamne les choseset les êtres à mourir.
Ne pouvant approfondir en une heure unpareil sujet, je me bornerai, dans cette conférence,à vous montrer quelques-unes des conséquencesdes recherches que je poursuis depuisplus de dix ans sur la dissociation de la matièreet que j’ai développées dans deux ouvragesrécents[2].
[2] L’Évolution de la matière, in-18 de 400 pages, avec 62figures (15e édition), et l’Évolution des forces, in-18 de 400pages avec 40 figures (6e édition), Flammarion, éditeur, 1908.
Ces recherches, dont le résultat fondamental,très imprévu il y a bien peu d’années encore, futde montrer que la matière n’était pas indestructible,se sont rapidement répandues dans leslaboratoires. Quelques-unes de nos propositions,considérées comme très révolutionnaires quandnous les formulâmes pour la première fois, commencentà devenir presque banales aujourd’hui,bien que très éloignées cependant d’avoir portétoutes leurs conséquences. Lorsque celles-ci sedérouleront, elles conduiront à renouveler unédifice scientifique dont la stabilité semblaitéternelle.
Voici d’ailleurs l’énoncé des principes fondamentauxque j’ai tâc