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UN ENTRETIEN PAR MOIS
TOME DIX-SEPTIÈME
PARIS
ON S'ABONNE CHEZ L'AUTEUR,
RUE DE LA VILLE L'ÉVÊQUE, 43.
1864
L'auteur se réserve le droit de traduction et de reproduction àl'étranger.
REVUE MENSUELLE.
XVII
Paris.—Typographie de Firmin Didot frères, fils et Cie, rue Jacob, 56.
(DEUXIÈME PARTIE.)
Alfieri va passer à Naples le temps de son exil volontaire; il y écritjournellement à la comtesse; il y use le temps à cheval dans les beauxsites des environs. Pendant ce temps, il ne trouve point mauvais quela comtesse, privée de la fortune de son mari et peu riche de lasienne, sollicite une pension de la reine de (p. 2) France,Marie-Antoinette, et l'obtienne par l'intervention de Léopold deToscane, frère de cette princesse. Voilà donc ce féroce ennemi desrois, vivant de leurs débris et de leurs secours: un roi de France luidonne la vie, un roi d'Angleterre lui laisse ravir sa femme; quellelogique!—Ainsi la comtesse ne dépendra plus ni du pape, ni ducardinal d'York, frère de son mari. Le lendemain du jour où elle estémancipée de ses besoins et de sa reconnaissance, elle quitte lecouvent des Ursulines de Rome, et rentre dans le palais de laChancellerie, bâti par Bramante. Alfieri obtient facilementl'autorisation de revenir auprès d'elle à Rome. Il s'y installe,grâce, dit-il, à ses obséquiosités un peu serviles auprès descardinaux et des prêtres.
«Le 12 mai suivant, Alfieri était auprès d'elle, et à force desollicitations, de servilités, de petites ruses courtisanesques(c'est lui-même qui parle ainsi), à force de saluer les Éminencesjusqu'à terre, comme un candidat qui veut se pousser dans laprélature, à force de flatter et de se plier à tout, lui quijusque-là n'avait jamais su baisser la tête, toléré enfin par lescardinaux, soutenu même par ces prestolets qui se mêlaient à tort età (p. 3) travers des affaires de la comtesse, il finit par obtenir lagrâce d'habiter la même ville que la gentilissima signora, cellequ'il appelle sans cesse la donna mia, l'amata donna.»
Cependant, bien que l'amant vécût toute la matinée très-retiré dans lepalais Strozzi, auprès des Thermes de Dioclétien, faubourg isolé deRome, il passait toutes ses soirées au palais de la Cancellaria, chezson amie. Ce bonheur insolent excita l'envie du clergé romain et lesmurmures du comte d'Albany auprès du cardinal, son frère.
«Il ne dissimulait pas ses plaintes, en effet, le vieillard abandonné.Dans les intervalles lucides que lui laissait sa misérable passion,aggravée de jour en jour, il tournait ses yeux vers Rome, et,apprenant les longues visites d'Alfieri au palais du cardinal, ilsentait sur son visage dégradé la rougeur de la honte. Il suppliaitson frère de faire cesser un tel scandale, et bien des voix à Rome semêlaient à la sienne. Alfieri, au milieu de ses récriminationsirritées, est bien obligé de reconnaître que ces plaintes étaientjustes. J'avouerai, dit-il, pour l'amour de la justice, que le mari,le beau-frère et tous les ...