LA
BRETAGNE

PAYSAGES ET RÉCITS


PAR

EUGÈNE LOUDUN



La Bretagne, le pays des bons prêtres,
des bons soldats et des bons serviteurs.



1861







PRÉFACE


A une époque où les nations européennes setransforment si rapidement et tendent à une unitéqui leur imprimera une physionomie uniforme,c'est un spectacle digne d'intérêt que celui d'unpeuple qui a gardé son caractère propre, et, aumilieu d'un changement général, est demeuré lemême. C'est le spectacle que présente la Bretagne.

Non pas que la Bretagne ait été entièrement insensibleau mouvement qui emporte le reste dumonde ; depuis près d'un siècle déjà, elle a subide nombreuses altérations. Des cinq départementsbretons, le Finistère presque seul a conservé intactsses costumes et sa langue ; il est le plus éloigné,le bout de la terre, comme le dit son nom ;le progrès moderne ne l'a pas encore atteint.Ailleurs, dans l'Ille-et-Vilaine, les Côtes-du-Nord,le Morbihan même, le pays du combat des Trente,des pèlerinages et des chouans, les hommes presquetous ont quitté la braie celtique pour le pantalondes villes ; il n'y a plus que les femmes quiportent encore l'antique costume et la coiffure pittoresque.C'est que la femme, gardienne du foyer,est aussi celle qui abandonne la dernière les anciensusages et les traditions de la famille ; dansle costume elle met du sentiment ; le quitter, c'estrompre avec le passé, avec sa race et ses aïeuxquand toutes les femmes d'un pays ne tiennentplus à leur costume, ce pays ne mérite plus denom particulier, il en change.

La langue s'est un peu mieux maintenue ; onla parle encore dans les bourgs et les villages ;c'est en breton que se fait le prône le dimanche,en breton l'allocution du recteur aux mariés.Déjà aussi, pourtant, la vieille langue se perd : lebourgeois des villes ne la comprend plus ; le paysanparle le breton et entend le français ; ses rapportsjournaliers avec l'étranger lui ont appris la valeurde ce nouvel idiome. Chaque jour, s'en va un de cesvieux Bretons qui ne parlaient que la vieille langue,et il n'est pas remplacé. Il ne se reverra plus,ce temps où deux troupes de Bretons ennemis, dela Grande et de la Petite-Bretagne, s'arrêtaienttout à coup sur le champ de bataille, entendantrésonner des deux côtés les mots de la même langue,et se reconnaissaient et s'embrassaient ; frèresde la même race, issus de la même terre[1]. Dansles cimetières qui ceignent toutes les églises decampagne, on ne voit plus que rarement sur lestombes nouvelles une inscription en langue bretonne ;elle disparaît aussi, cette coutume nationalequi distinguait le paysan breton jusque dans lamort, qui l'isolait des étrangers indifférents et réservaitpour ses enfants seuls la connaissance desa vie et de son nom. Bientôt cet âpre et poétiquelangage sera devenu le domaine des savants etl'occupation des académies, et, déjà, comme cédantà un fatal pressentiment, un pieux et noblefils de l'Armorique s'est empressé de recueillir lespoésies de ses bardes[2], chants mélancoliques deprochaines funérailles, voix des ancêtres qui nesera plus comprise de leur postérité muette.

[Note 1 : C'est ce que l'on vit au XVIIIe siècle, dans un combat où serencontrèrent face à face des Bretons armoricains et des Bretons dupays de Galles.]
[Note 2 : Chants bretons, publiés par M. H. de la Villemarqué.]

Ainsi se modifient ou s'effacent les traits extérieursde ce vieux peuple, et le chemin de ferqui s'

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