HISTOIRE
DE FRANCE

PAR

J. MICHELET

NOUVELLE ÉDITION, REVUE ET AUGMENTÉE

TOME QUINZIÈME

PARIS
LIBRAIRIE INTERNATIONALE
A. LACROIX & Ce, ÉDITEURS
13, rue du Faubourg-Montmartre, 13

1877
Tous droits de traduction et de reproduction réservés

HISTOIRE
DE FRANCE

(p. i) PRÉFACE

Je fais une histoire générale et non celle d'un règne. Il m'a falluresserrer en un volume la période qui s'étend de 1661 à 1690, périodeénormément chargée de faits et d'événements, d'actes religieux etpolitiques, d'œuvres littéraires. Forcé d'abréger ou d'omettre uneinfinité de détails, j'ai d'autant plus sérieusement examiné, peséleur importance relative. L'histoire ne doit pas dire seulement deschoses vraies, mais les dire dans la vraie mesure, ne pas les mettretoutes à la fois sur le premier plan, ne pas subordonner les grandesen exagérant les petites.

Appréciation difficile, en ce que les contemporains l'aident fort peu.Au contraire, ils travaillent tous à nous tromper en cela. Chacun,dans ses Mémoires, ne (p. ii) manque pas de mettre en saillie sapetite importance, telle chose secondaire, qu'il a vue, sue ou faite.

Nous-mêmes, élevés tous dans la littérature et l'histoire de ce temps,les ayant connues de bonne heure, avant toute critique, nous gardonsdes préjugés de sentiment sur telle œuvre ou tel acte dont lapremière impression s'est liée à nos souvenirs d'enfance. Nous savonsbeaucoup de choses, mais fort inégalement. Tel détail est pour nousénorme, et tel grand fait, appris plus tard, nous semble insignifiant.Nous sommes contrariés et désorientés quand notre histoire, nosanecdotes, certains mots de prédilection, établis dans notre mémoiredepuis longues années, sont réduits à leur valeur par l'histoiresérieuse. Les on dit, par exemple, d'une dame de province, qui voitbien peu Versailles et le colore de son charmant esprit, nous sontrestés agréables et chers, bien plus que les récits de ceux qui yvivaient, qui voyaient et jugeaient; je parle des courageux Mémoiresde la grande Mademoiselle et de Madame, mère du Régent.

C'est une œuvre virile d'historien de résister ainsi à ses proprespréjugés d'enfance, à ceux de ses lecteurs, et enfin aux illusions queles contemporains eux-mêmes ont consacrées. Il lui faut une certaineforce pour marcher ferme à travers tout cela, en écartant (p. iii)les vaines ombres, en fondant, ou rejetant même, nombre de véritésminimes qui encombreraient la voie. Mais s'il se garde ainsi, il apour récompense de voir surgir de l'océan confus la chaîne des grandescauses vivantes.

Connaissance généralement refusée aux contemporains qui ont vu jourpar jour, et qui, trop près des choses, se sont souvent aveuglés dudétail. Ils ont vu les victoires, les fêtes, les événements officiels,fort rarement senti la sourde circulation de la vie, certain travaillatent qui pourtant un matin éclate avec la force souveraine desrévolutions et change le monde.


La grande prétention de ce règne est d'être un règne politique. Nosmodernes ont le tort de le prendre au mot là-dessus. Le grand fatrasdiplomatique et administratif leur impose trop. Une étude attentivemontre qu'au fond, dans les classes les plus importantes, la religionprima la politique. Sous ce rapport, le règne de Louis XIV, même enson meilleur temps, est une réaction après l'indifférence absolue deMazarin et les hardiesses de la Fronde....

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