PARIS
PERROTIN, LIBRAIRE-ÉDITEUR
41, RUE FONTAINE-MOLlÈRE, 41
1806-1807
SOMMAIRE.--Arrivée à Raguse.--L'amiral Siniavin à Cattaro.--Le pacha deBosnie Kosrew.--Retour en Dalmatie.--Population de la Dalmatie.Détails: moeurs et habitudes.--Attaque de Corzola par lesRusses.--Déclaration de guerre des Turcs contre lesRusses.--Préparatifs d'une expédition en Turquie.--L'amiral Siniavinaux Dardanelles.--Habileté de Sébastiani.--Première idée deconstruction des routes.--Rapidité d'exécution.--Catastrophe deSelim.--L'amiral Siniavin revient à Cattaro.--Il entretient desintelligences en Dalmatie.--Le Pandour Danèse.--Mille Russes débarquésà Poliza--Révolte des habitants.--Moeurs et usages.--Une élection àcoups de pierres.--Le knès.--Le général Launay achète les prisonniersvingt francs par tête.--L'envoyé d'Ali-Pacha de Janina: sonhistoire.--Paix de Tilsitt.--Remise des bouches de Cattaro parSiniavin.--Attitude des Bocquais.--Le vladiza de Monténégro: sonportrait--Reprise des travaux de route.--Travaux des Romainscomparés.--Population de la Dalmatie du temps des Romains.--Moyensfinanciers d'exécution appliqués aux travaux.--Clausel remplaceLauriston.--Marmont est créé duc de Raguse.
J'arrivai le 2 août à Raguse. Les Russes étaient rentrés à Cattaro, lesMonténégrins et les Bocquais dans leurs villages. Un traité de paix,signé entre la France et la Russie le 20 juillet à Paris, ordonnait laremise de l'Albanie vénitienne à l'armée française et l'évacuation deRaguse. Tout semblait donc devoir se pacifier promptement; il ne merestait plus qu'à m'occuper des besoins de l'armée, qui étaientimmenses.
L'administration de l'armée d'Italie avait été chargée de faire vivreles troupes françaises en Dalmatie: on ne peut exprimer sa conduitecoupable envers ces pauvres soldats, dont le sort est toujours dedevenir victimes de ce que l'armée renferme d'abject. Un commissairedes guerres, appelé Volant, envoyait de Venise des blés gâtés, qu'unautre coquin de commissaire, nommé Vanel, partageant sans doute aveclui, recevait à Zara. Le pain était infect, les hôpitaux étaient dansle plus grand abandon, les casernes sans fournitures; tout était dansl'état le plus déplorable; plus du quart de l'armée était aux hôpitaux,où la mortalité était effrayante: c'était pire que ce que j'avaistrouvé deux ans et demi avant en Hollande.
L'Empereur me donna toute l'administration. Nous pourvûmes à nos besoinspar nos propres moyens; des fonds suffisants nous furent envoyésrégulièrement; la Bosnie donnait à bon marché le bétail dont nousavions besoin; la Pouille nous envoya des blés, et en quelques moistout rentra dans l'ordre. La mortalité diminua très-sensiblement, lenombre des malades devint plus modéré, enfin il finit par être dans laplus faible proportion avec l'effectif des troupes. Je n'entrerai pasdans le détail de ce que je fis alors, ce récit serait de peu d'intérêt;m