Durant quatre années, j'ai été chargé de lacritique dramatique, d'abord au Bien public,ensuite au Voltaire. Sur ce nouveau terrain duthéâtre, je ne pouvais que continuer ma campagne,commencée autrefois dans le domainedu livre et de l'oeuvre d'art.
Cependant, mon attitude d'homme de méthodeet d'analyse a surpris et scandalisé mes confrères.Ils ont prétendu que j'obéissais à de basses rancunes,que je salissais nos gloires pour me vengerde mes chutes, parlant de tout, de mes oeuvresparticulièrement, à l'exception des pièces jouées.
Je n'ai qu'une façon de répondre: réunir mesarticles et les publier. C'est ce que je fais. Onverra, je l'espère, qu'ils se tiennent et qu'ils s'expliquent,qu'ils sont à la fois une logique et unedoctrine. Avec ces fragments, bâclés à la hâte etsous le coup de l'actualité, mon ambition seraitd'avoir écrit un livre. En tout cas, telles sontmes idées sur notre théâtre, j'en accepte hautementla responsabilité.
Comme mes articles étaient nombreux, j'ai dûles répartir en deux volumes. Le naturalisme authéâtre n'est donc qu'une première série. La seconde:Nos auteurs dramatiques, paraîtra prochainement.
E. Z.
Chaque hiver, à l'ouverture de la saison théâtrale,je suis pris des mêmes pensées. Un espoir pousse enmoi, et je me dis que les premières chaleurs de l'éténe videront peut-être pas les salles, sans qu'un auteurdramatique de génie se soit révélé. Notre théâtre auraittant besoin d'un homme nouveau, qui balayât lesplanches encanaillées, et qui opérât une renaissance,dans un art que les faiseurs ont abaissé aux simplesbesoins de la foule! Oui, il faudrait un tempéramentpuissant dont le cerveau novateur vînt révolutionnerles conventions admises et planter enfin le véritabledrame humain à la place des mensonges ridicules quis'étalent aujourd'hui. Je m'imagine ce créateur enjambantles ficelles des habiles, crevant les cadres imposés,élargissant la scène jusqu'à la mettre de plain-piedavec la salle, donnant un frisson de vie aux arbrespeints des coulisses, amenant par la toile de fond legrand air libre de la vie réelle.
Malheureusement, ce rêve, que je fais chaqueannée au mois d'octobre, ne s'est pas encore réaliséet ne se réalisera peut-être pas de sitôt. J'ai beau attendre,je vais de chute en chute. Est-ce donc unsimple souhait de poète? Nous a-t-on muré dans cetart dramatique actuel, si étroit, pareil à un caveau oùmanquent l'air et la lumière? Certes, si la nature del'art dramatique interdisait cet envolement dans desformules plus larges, il serait quand même beau des'illusionner et de se promettre à toute heure unerenaissance. Mais, malgré les affirmations entêtées decertains critiques qui n'aiment pas à être dérangésdans leur criterium, il est évident que l'art dramatique,comme tous les arts, a devant lui un domaineillimité, sans barrière d'aucune sorte, ni à gauche nià droite. L'infirmité, l'impuissance humaine seule estla borne d'un art.
Pour bien comprendre la nécessité d'une révolutionau théâtre, il faut établir nettement où nous ensommes aujourd'hui. Pendant toute notre périodeclassique, la tragédie a régné en maîtresse absolue.Elle était rigide et intolérante, ne souffrant pas unevelléité de liberté, pliant les esprits les plus grands àses inexorables lois. Lorsqu'un auteur tentait de s'ysoustraire, on le condamnait comme un esprit malfait, incohérent et bizarre, on le regardait presquecomme un homme dangereux. Pourtant, dan