[Note du transcripteur: l'orthographe originale de Fouché est conservée]
On verra, par la lecture de l'avertissement de l'auteur, que je pourraistirer quelque vanité de ce que ses intentions ont été rempliesrelativement à la publication de ses Mémoires. Le choix qui a été faitde moi pour éditeur, ne l'a point été dans des vues intéressées; etmoi-même j'y ai apporté, j'ose dire, le même désintéressement. Toutautre aurait brigué une telle publication, et n'y aurait vu que lasource d'un gain peut-être imaginaire. Pour moi, je n'y ai vu qu'undevoir, et je l'ai rempli, mais non pas sans hésitation. J'avoue mêmeque dans ma détermination j'ai eu besoin d'être éclairé. Le titre dulivre et les sujets qu'il traite, me paraissaient peu propres à metranquilliser. J'ai voulu être sûr de ne blesser ni les lois, ni lesconvenances, ni le gouvernement de mon pays. N'osant m'en rapporter àmoi-même, j'ai consulté un homme exercé, et il m'a rassuré complètement.Si je lui ai demandé quelques notes, c'était plutôt pour constaterl'indépendance de mes opinions, que pour offrir un contraste entre letexte et les commentaires. Mais quoique les notes soient clair-semées,elles ont failli me ravir la publication de ces Mémoires posthumes.Enfin l'intermédiaire chargé de remplir les intentions de l'auteur,s'est rendu à mes raisons, et je crois pouvoir annoncer au public que jene tarderai pas à faire paraître la seconde partie des Mémoires du ducd'Otrante. Quant à leur immense intérêt et à leur authenticité, je mebornerai à dire comme l'auteur: LISEZ.
Ce n'est ni par esprit de parti, ni par haine, ni par vengeance, quej'ai écrit ces Mémoires, et encore moins pour offrir un aliment à lamalignité et au scandale. Tout ce qui doit être honoré dans l'opiniondes hommes, je le respecte. Qu'on me lise, et l'on appréciera mesintentions, mes vues, mes sentimens, et par quelle politique j'ai étéguidé dans l'exercice des plus hauts emplois; qu'on me lise, et l'onverra si, dans les conseils de la république et de Napoléon, je n'ai pasété constant dans le parti d'opposition aux mesures outrées dugouvernement; qu'on me lise, et on verra si je n'ai pas montré quelquecourage dans mes avertissemens et dans mes remontrances; enfin, en melisant, on se convaincra que tout ce que j'ai écrit je me le devais àmoi-même. Le seul moyen de rendre ces Mémoires utiles à ma réputation età l'histoire de cette grande époque, c'était de ne les appuyer que surla vérité pure et simple; j'y étais porté par caractère et parconviction; ma position d'ailleurs m'en faisait une loi. N'était-il pasnaturel que je trompasse ainsi l'ennui d'un pouvoir déchu?
Sous toutes ses formes, la révolution m'avait accoutumé d'ailleurs à uneextrême activité d'esprit et de mémoire; irritée par la solitude, cetteactivité avait besoin de s'exhaler encore. Or, c'est avec une sorted'abandon et de délices que j'ai écrit cette première partie de messouvenirs; je l'ai retouchée, il est vrai, mais je n'y ai rien changéquant au fond, dans les angoisses même de ma dernière infortune. Quelplus grand malheur en effe