MÉMOIRES
DE LA
COMTESSE DE BOIGNE

II

Il a été tiré de cet ouvrage mille exemplaires sur vergé teinté des Papeteries de Corvol-l'Orgueilleux tous numérotés.
No

HÉLÈNE DILLON, MARQUISE D'OSMOND,
MÈRE DE LA COMTESSE DE BOIGNE,
d'après un portrait de J. Isabey
(Collection de Mademoiselle Osmonde d'Osmond).

RÉCITS D'UNE TANTE

MÉMOIRES
DE LA
COMTESSE DE BOIGNE
NÉE D'OSMOND

PUBLIÉS INTÉGRALEMENT D'APRÈS LE MANUSCRIT ORIGINAL

II

1815.—L'Angleterre et la France de 1816 à 1820.

PARIS
ÉMILE-PAUL FRÈRES, ÉDITEURS
100, RUE DU FAUBOURG-SAINT-HONORÉ
1921

(p. 001) CINQUIÈME PARTIE
1815

CHAPITRE I

Séjour en Piémont. — Restauration de 1815. — Passage à Lyon. — Marion. — Arrivée à Turin. — Dispositions du Roi. — Son gouvernement. — Le cabinet d'ornithologie. — Le comte de Roburent. — Les Biglietto regio. — La société. — Le lustre. — Les loges. — Le théâtre. — L'Opéra. — Détails de mœurs. — Le marquis del Borgo.

J'ai toujours pensé que, pour conserver de la dignité à son existence,il fallait la diriger dans le sens d'une principale et persévéranteaffection et que le dévouement était le seul lien de la vie desfemmes. N'ayant été, de fait, ni épouse ni mère, je m'étaitentièrement donnée à l'amour filial. Quelque répugnance que j'eusse àla carrière que mon père venait de reprendre, à la résidence où onl'envoyait, et malgré ma complète indépendance de position, je ne merappelle pas avoir éprouvé un instant d'hésitation à le suivre. Cesouvenir, placé à une distance de vingt années, m'est doux àretrouver.

Nous nous arrêtâmes trois jours à Lyon. Je me rappelle unecirconstance de ce séjour dont je fus très touchée. Ma femme dechambre, qui était lyonnaise, me pria de lui donner quelques heures deliberté pour (p. 002) aller voir un ancien ami de son père. Lelendemain, pendant que je faisais ma toilette, on vint la demander.Elle avait fait appeler des marchands d'étoffes pour moi et s'informasi c'était eux qui attendaient; on lui répondit que c'était unevieille paysanne n'ayant qu'un bras.

«Oh! fit-elle, c'est la bonne Marion? c'est bien beau, son bras,allez, madame! Ma mère nous l'a souvent fait baiser avec respect.»Cette phrase excita ma curiosité, et j'obtins le récit suivant:

«Madame sait que mon père était libraire du Chapitre et vendaitprincipalement des livres d'église, ce qui le mettait en relation avecles ecclésiastiques. Parmi eux, monsieur Roussel, curé de Vériat,venait le plus à la maison; mon père allait souvent chez lui et ilsétaient très amis.

«Lors de la Terreur, tous deux furent arrêtés et jetés dans la mêmeprison. Marion, servante de monsieur Roussel, et bien attachée à sonmaître, quitta le village de Vériat, et vint à Lyon pour se rapprocherde lui. Ma mère lui donna un asile chez nous où, comme Marion, nousétions très inquiets et très malheureux, manquant de pain encore plusque d'argent et ayant bien de la peine à trouver de quoi manger.Cependant Marion parvenait, à force d'industrie, à se procurer chaquejour un petit panier de provisions qu'elle réussissait ordinairement àfaire arriver jusqu'à monsieur Ro

...

BU KİTABI OKUMAK İÇİN ÜYE OLUN VEYA GİRİŞ YAPIN!


Sitemize Üyelik ÜCRETSİZDİR!