Note du transcripteur. =========================================================== Ce document est tiré de: OEUVRES COMPLÈTES DE SHAKSPEARE TRADUCTION DE M. GUIZOT NOUVELLE ÉDITION ENTIÈREMENT REVUE AVEC UNE ÉTUDE SUR SHAKSPEARE DES NOTICES SUR CHAQUE PIÈCE ET DES NOTES Volume 6 Le marchand de Venise--Les joyeuses Bourgeoises de Windsor--Le roi Jean--La vie et la mort du roi Richard II, Henri IV (1re partie). PARIS A LA LIBRAIRIE ACADÉMIQUE DIDIER ET Cie, LIBRAIRES-ÉDITEURS 35, QUAI DES AUGUSTINS 1863 ==========================================================
A mesure que Shakspeare avance vers les temps modernes de l'histoire deson pays, les chroniques sur lesquelles il s'appuie concourent plusexactement avec l'histoire véritable; et déjà, dans la Vie et la Mortde Richard II, les détails que lui fournit Hollinshed s'écartent peudes données historiques parvenues jusqu'à nous avec une certaineauthenticité. A l'exception du personnage de la reine, pure invention dupoëte, et abstraction faite du désordre que met dans la chronologie lanégligence de Shakspeare à conserver aux événements leurs distancesrespectives, les faits contenus dans cette tragédie ne diffèrent en riendes récits historiques, si ce n'est sur le genre de mort qu'on fit subirà Richard. Hollinshed, qui a copié d'autres chroniqueurs, à donné àShakspeare la relation qu'il a suivie; mais l'opinion la plusvraisemblable, et qui s'accorde le mieux avec le soin qu'on eutd'exposer publiquement Richard après sa mort, c'est qu'on le fit mourirde faim. Cette attention à sauver du moins les apparences matérielles ducrime dont on s'inquiétait peu d'éviter le soupçon, commençait às'introduire dans la féroce politique du temps; et Richard lui-mêmeavait fait étouffer entre des matelas le duc de Glocester qu'il tenaitprisonnier à Calais, publiant ensuite qu'il était mort d'une attaqued'apoplexie. Outre le penchant de Shakspeare à suivre fidèlement leguide historique qu'il avait une fois adopté, cette version luipermettait de conserver au caractère de Bolingbroke l'intérêt qu'il arépandu sur lui dans les les deux parties de Henri IV. Le choix entredifférentes versions est d'ailleurs le droit le moins contesté et lemoins contestable des auteurs dramatiques.
La tragédie de Richard II est donc, généralement parlant, assezconforme à l'histoire; et la manière dont le poëte a représenté ladéposition de Richard et l'avénement au trône de Henri de Lancastreparaît singulièrement d'accord avec ce que dit Hume au sujet de cetavénement: «Il (Henri IV) devint roi, sans que personne pût dire commentni pourquoi.» Mais il faut être, comme l'était Hume, tout à faitétranger au spectacle des révolutions, pour être embarrassé à direcomment et pourquoi le duc de Lancastre, après avoir agi quelque tempsau nom du roi qu'il tenait prisonnier, se mit sans aucune peine à saplace. Shakspeare n'a pas cru nécessaire de l'expliquer: Richard estparti de Flintcastle avec le nom de roi à la suite de Bolingbroke; nousle revoyons signant sa propre déposition. Le poëte ne nous indique enaucune manière ce qui s'est passé; mais pour ne pas deviner comments'est accomplie la chute de Richard, il faudrait que nous eussions bienmal compris ce qui nous a été présenté du spectacle de ses premièresdisgrâces: la conversation du jardinier avec ses garçons en complète letableau en nous révélant leur effet sur l'opinion. C'est un trait del'art de Shakspeare pour nous faire assister à toutes les parties del'événement; il nous transporte toujours là où il frappe ses coups lesplus décisifs, tandis que loin de n