L'illustration, 3665, 24 Mai 1913.
Ce numéro se compose de vingt-huit pages et contient:
LES PHOTOGRAPHIES INÉDITES DE LA TRAGIQUE EXPÉDITION POLAIRE DUCAPITAINE SCOTT;
Suppléments:
1° LA PETITE ILLUSTRATION, Série-Théâtre n° 8: DavidCopperfield de M. Max Maurey, d'après Charles Dickens;
2° L'Illustration économique et financière.
Phot. Marius Bar.
UN CHEFLe vice-amiral Boué de Lapeyrère, commandant en chef de notre armée
navale, dans sa cabine du «Voltaire».
Quinze des vingt-huit pages de ce numéro exceptionnel sont consacrées àla publication, réservée à l'Illustration, des photographies inéditesde l'expédition au Pôle Sud, si glorieuse et si tragique, du capitaineScott.
On trouvera aux pages 480 et suivantes, jusqu'à la page 494 incluse, cesimpressionnants documents.
Nous avons dû indiquer expressément, sous chaque photographie, que lareproduction en est interdite.
Ces clichés sont, en effet, le patrimoine d'une expédition qui futcoûteuse, l'héritage laissé à des veuves, à des orphelins, par lesexplorateurs qui ont succombé à leur tâche héroïque.
Et les éditeurs anglais Smith et Elder, ainsi que le Daily Mirror quiavait acquis les premiers droits de reproduction et les a cédés pour laFrance à l'Illustration, ont le devoir de sauvegarder des intérêtssacrés.
Un soir de la semaine passée, à l'heure immense et douce où la mer esttranquille, sous le Niagara d'or d'un coucher de soleil tombant dans leciel pluvieux et l'inondant pour le sécher, ce jour-là même, à ce momentfixé par mon petit destin, j'ai découvert la ville et la baie deSaint-Malo.
Sans doute je connaissais bien ces lieux dont les noms m'avaient, depuisdes années, battu comme des vagues, mais je ne les savais que pour yêtre allé par les longs et trop courts chemins des tableaux, deslectures et des paroles entendues. Mes yeux, mes propres yeux sientraînés et si dévoués, qui ne serviront jamais qu'à moi, mes yeuxqu'on fermera quand je ne verrai plus, mes yeux en qui j'ai confiance, àqui je dois tant, jusque-là pris ailleurs, n'avaient pu faire le voyageet venir s'assurer par eux-mêmes de la belle réalité.
A présent ils la touchaient. Ils la prenaient, somme avec la main pourla conduire et la transmettre aux chambres de la pensée qui, sans eux,seraient éternellement noires, et qui, par eux, deviennent à chaqueseconde une grotte d'azur...
J'ai donc vu, pour la première fois, ce décor historique et fameux qui,loin de me surprendre, m'a satisfait et comblé en ne m'apportant d'abordaucune déception. Que faut-il demander de plus à une joie inéprouvée, sisouvent décrite par avance, et promise, garantie sur un ton de telleivresse admirative que l'on n'a plus qu'une crainte, celle d'être, en lasavourant, au-dessous du trouble nécessaire et de la béatitude réclamée?N'est-ce pas déjà une rare aubaine quand il vous est échu d'approcher unpersonnage célèbre dont les traits par l'image vous étaient