PARIS
PERROTIN, LIBRAIRE-ÉDITEUR
41, RUE FONTAINE-MOLlÈRE, 41
1799--1800
SOMMAIRE.--Expédition de Syrie.--Conférence avec le généralMenou.--Alexandrie fortifiée.--Flottille envoyée au corpsexpéditionnaire en Syrie--Conséquences de l'insuccès àSaint-Jean-d'Acre.--Les pestiférés el lesprisonniers.--Insurrection dans la province de Bahiré.--Flotte turque àAboukir (12 juillet 1799).--Bonaparte à Alexandrie (22juillet).--Bataille d'Aboukir (25 juillet) .--Le général en chef prendla résolution de rentrer en France.--Son départ.--M. Blanc.--Navigationdangereuse.--Débarquement à Fréjus.--Anecdote.--Bonaparte se rend àParis (octobre 1799).
On a vu quelles étaient nos misères d'Alexandrie. Nous avions de grandsembarras de subsistances, peu ou point d'argent, la peste et unbombardement: c'étaient tous les fléaux réunis à la fois, et je merappelle avec plaisir que, malgré ma fort grande jeunesse, je sus lessurmonter et les vaincre.
A cette époque, on s'occupa des préparatifs de l'expédition de Syrie.Quelle que fût l'importance de mon poste, je ne pouvais me consoler derester étranger à de nouvelles entreprises. Les vrais soldats mecomprendront: voir une campagne s'ouvrir, et ne pas y prendre part, estun horrible supplice. Notre métier veut des aventures et des hasards;on aime les émotions produites par les dangers et les chances de laguerre. Comme l'a si bien dit Louis XIV, on est indigne des faveursaccordées par la gloire quand on s'en rassasie; et on devinera ce queje devais éprouver alors, presque au début de ma carrière, moi qui,plus tard, en 1814, après vingt campagnes, avais encore la ferveur d'unnovice. J'étais donc au désespoir de rester en Égypte; je remuai cielet terre pour être appelé à l'armée active, mais inutilement. J'eusl'enfantillage de croire à une disgrâce, quand je recevais, aucontraire, un témoignage de haute confiance. Il fallut donc prendre monparti et employer de mon mieux cette brûlante activité qui ne s'estpresque pas ralentie pendant le cours de ma vie.
Le général Bonaparte, en partant, fit les dispositions suivantes: ilappela au Caire le général Menou pour lui en laisser le commandement,me donna à sa place celui du deuxième arrondissement, composé desprovinces d'Alexandrie, de Rosette et Bahiré: il était assez naturel deles mettre toutes les trois sous l'autorité du général commandant àAlexandrie, plus intéressé qu'un autre à en exploiter les ressourcesdestinées à satisfaire à ses propres besoins. Bonaparte ordonna à Menoude venir par terre, si le vent n'était pas favorable, afin d'arriver àépoque fixe: il l'attendit trois jours. Ne pouvant cependant suspendredavantage son départ, les colonnes étant en plein mouvement, il laissaprovisoirement le commandement au général Dugua, chargé de le luiremettre à son arrivée; mais Menou, fidèle à son caractère, se disposaà partir, m'annonça son voyage, m'écrivit qu'il allait