Par M. A. de BEAUCHESNE
OUVRAGE
ENRICHI DE DEUX PORTRAITS GRAVÉS EN TAILLE-DOUCE
SOUS LA DIRECTION DE M. HENRIQUEL DUPONT
PAR MORSE ET ÉMILE ROUSSEAU
DE FAC-SIMILÉ D'AUTOGRAPHES ET DE PLANS
ET PRÉCÉDÉ D'UNE
LETTRE DE Mgr DUPANLOUP
ÉVÊQUE D'ORLÉANS.
TOME PREMIER
PARIS
HENRI PLON, IMPRIMEUR-ÉDITEUR
RUE GARANCIÈRE, 10
MDCCCLXIX
Tous droits réservés.
Vous venez de donner à votre beau livre de Louis XVII une suitedigne de lui, en publiant l'histoire de Madame Élisabeth.
Madame Élisabeth, cette sainte, cette noble et douce figure, la plustouchante peut-être de toutes les victimes de la Révolution, n'avaitpas été jusqu'ici assez étudiée ni connue. Son rôle secondaire, laréserve modeste où elle se renferma toujours, le dévouement quienveloppa toute sa vie, l'avaient trop laissée dans l'ombre: onn'avait pas vu d'assez près, ni dans le détail, ce qu'était cettenature, ce cœur, cette âme, cette vie. L'ouvrage que vous nousdonnez, et que vous avez écrit avec cette sûreté de recherches quicaractérise tous vos travaux historiques, sera sur cette Princesse unevéritable révélation.
Sans doute cette révélation ne jettera point sur sa mémoirel'extraordinaire éclat que Marie-Antoinette reçut tout à coup de ladécouverte de ses lettres authentiques. (p. ii) La fille deMarie-Thérèse était d'une nature plus brillante, plus rare, on peut ledire, plus royale, que la sœur de Louis XVI; car, quel qu'ait puêtre, dans sa première jeunesse, son goût pour les fêtes de la cour,rien n'était moins frivole au fond que cette Reine: et quand elle futtouchée par le malheur, on la vit s'élever tout à coup aux plus hautessublimités de l'héroïsme, et trouver tout naturellement, dans soncœur et sur ses lèvres, de ces mots où l'on sent tout à coupl'accent d'une grande âme.
Madame Élisabeth était d'autre trempe. Esprit moins élevé, moinsétendu, moins pénétrant peut-être, mais d'un très-grand et très-vifbon sens; nature impétueuse, mais dominée et domptée par la piété; siinnocente et si pure, que la calomnie n'osa jamais s'y attaquer: lapiété s'empara d'elle, si je puis ainsi dire, et fut l'inspiration, lagrande force de sa vie. Et dès lors Madame Élisabeth devint unesainte, et c'est la sainteté qui éleva son âme à des hauteurs où lanature seule n'eût jamais pu la faire monter. L'amitié, où, aprèsDieu, elle se réfugia et se concentra tout entière, suffit à soncœur. Ses lettres témoignent à quel point elle fut tendre et fidèleà ses amies. Et quand vinrent pour sa famille les grandes épreuves,son affection pour le Roi son frère, pour la Reine, pour son neveu,pour sa nièce, devint ce dévouement qui fera à jamais la plus bellegloire de cette Princesse. Quoique placée en dehors des événements, etnullement mêlée à la (p. iii) politique, elle vit d'un coup d'