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COURS FAMILIER
DE
LITTÉRATURE

UN ENTRETIEN PAR MOIS

PAR
M. A. DE LAMARTINE

TOME QUINZIÈME

PARIS
ON S'ABONNE CHEZ L'AUTEUR,
RUE DE LA VILLE L'ÉVÊQUE, 43.

1863

L'auteur se réserve le droit de traduction et de reproduction àl'étranger.

COURS FAMILIER
DE
LITTÉRATURE

REVUE MENSUELLE.

XV

Paris.—Typographie de Firmin Didot frères, fils et Cie, rue Jacob, 56.

(p. 5) LXXXVe ENTRETIEN.

Premier de la huitième année.

CONSIDÉRATIONS SUR UN CHEF-D'ŒUVRE,
OU
LE DANGER DU GÉNIE.

Les Misérables, par Victor Hugo.

TROISIÈME PARTIE.

I.

Suivons en effet le récit:

Quand Valjean, qui se permet de rêver l'assassinat de sa providencedans le bon évêque de Digne, son sauveur, s'est enfui par la fenêtre,(p. 6) les gendarmes le ramènent. L'évêque, par un mensonge decharité, le plus petit des mensonges, mais enfin un mensonge, dit auxgendarmes qu'il ne lui a rien volé, que c'est lui-même, l'évêque, quilui a fait don de son argenterie. Il va plus loin: il prend les deuxflambeaux d'argent aussi sur la cheminée du salon, et les lui donneencore en lui reprochant d'avoir négligé de les emporter, pardistraction sans doute. Valjean les emporte; vous croyez qu'il estcorrigé par tant de vertu de l'homme juste? Pas du tout; lisez:

«Jean Valjean sortit de la ville, comme s'il s'échappait. Il se mit àmarcher en toute hâte dans les champs, prenant les chemins et lessentiers qui se présentaient, sans s'apercevoir qu'il revenait àchaque instant sur ses pas. Il erra ainsi toute la matinée, n'ayantpas mangé, et n'ayant pas faim. Il était en proie à une foule desensations nouvelles. Il se sentait une sorte de colère; il ne savaitcontre qui. Il n'eût pu dire s'il était touché ou humilié. Il luivenait par moments un attendrissement étrange qu'il combattait etauquel il opposait l'endurcissement de ses vingt (p. 7) dernièresannées. Cet état le fatiguait. Il voyait avec inquiétude s'ébranler audedans de lui l'espèce de calme affreux que l'injustice de son malheurlui avait donné. Il se demandait qu'est-ce qui remplacerait cela.Parfois il eût vraiment mieux aimé être en prison avec les gendarmes,et que les choses ne se fussent point passées ainsi; cela l'eût moinsagité. Bien que la saison fût assez avancée, il y avait encore çà etlà dans les haies quelques fleurs tardives, dont l'odeur, qu'iltraversait en marchant, lui rappelait des souvenirs d'enfance. Cessouvenirs lui étaient presque insupportables, tant il y avaitlongtemps qu'ils ne lui étaient apparus.

«Des pensées inexprimables s'amoncelèrent ainsi en lui toute lajournée.

«Comme le soleil déclinait au couchant, allongeant sur le sol l'ombredu moindre caillou, Jean Valjean était assis derrière un buisson dansune grande plaine rousse absolument déserte. Il n'y avait à l'horizonque les Alpes. Pas même le clocher d'un village lointain. Jean Valjeanpouvait être à trois lieues de D.

(p. 8) «Un sentier qui coupait la plaine passait à quelques pas dubuisson.

«Au milieu de cette méditation qui n'eût pas peu contribué à rendreses haillons effrayants pour quelqu'un qui

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