LES ROMANS
DE
LA TABLE RONDE.
III
CE VOLUME CONTIENT:
LANCELOT DU LAC.
Paris.—Typographie Georges Chamerot, rue des Saints-Pères, 19.
MIS EN NOUVEAU LANGAGE
ET ACCOMPAGNÉS DE RECHERCHES SUR L'ORIGINE
ET LE CARACTÈRE DE CES GRANDES COMPOSITIONS
PAR
PAULIN PARIS
Membre de l'Institut, Professeur de langue et littérature du Moyen âge au Collége de France.
TOME TROISIÈME
PARIS,
LÉON TECHENER, LIBRAIRE,
RUE DE L'ARBRE-SEC, 52.
MDCCCLXXII
LE ROMAN
DE
LANCELOT DU LAC.
En la marche de Gaule et de la petite Bretagne régnaient jadis deuxfrères, époux de deux sœurs. Ban, l'aîné, était roi de Benoïc,Bohor était roi de Gannes. Au moment où l'histoire commence, Banavait atteint un grand âge, et de la reine Hélène, issue de larace de Joseph d'Arimathie, il n'avait qu'un enfant, nommé Galaaden baptême, mais qu'on appela toujours Lancelot, en mémoire de sonaïeul[1].
Les royaumes de Benoïc et de Gannes devaient hommage à celui de lapetite Bretagne, (p. 4) dont le souverain, nommé Aramont, mais plusordinairement Hoël, étendait son autorité d'un côté jusqu'aux marchesd'Auvergne et de Gascogne, de l'autre jusqu'aux terres soumises auxRomains et à leur vassal le roi de Gaule. Le Berry était égalementinféodé à la petite Bretagne: mais, dès le temps du roi Aramont, leroi Claudas de Bourges avait refusé l'hommage et s'était déclarévassal du roi de Gaule qui, lui-même, dépendait de l'empereur deRome. Ces rois de Gaule se faisaient alors par élection. Claudas,avec l'aide des Gaulois et des Romains, étant parvenu à s'emparerde Benoïc, Aramont eut recours au roi de la Grande-Bretagne, qu'ilreconnut pour suzerain. Alors Uter-Pendragon passa sur le continent,chassa Claudas non-seulement de Benoïc, mais de Bourges, et lesBretons désolèrent si bien la terre de Berry qu'elle perdit son nompour prendre celui de la Déserte. Bourges, la cité principale,fut seule épargnée, en reconnaissance de l'accueil qu'y avait reçuUter-Pendragon, quand Wortigern les avait contraints, lui et sonfrère, à sortir de la Grande-Bretagne[2].
Mais, après la mort d'Uter-Pendragon, Artus (p. 5) eut à répondre àtant d'ennemis qu'il ne put protéger ses grands vassaux du continent.Les deux royaumes de Gannes et Benoïc, d'abord réunis sous le sceptredu roi Lancelot, avaient été partagés entre les deux fils de ceprince. Claudas profita de l'éloignement des Bretons insulaires pourréclamer une seconde fois l'appui des Gaulois et des Romains. Ilrentra dans la Déserte, envahit les terres de Benoïc, et saisit peuà peu toutes les bonnes villes du roi Ban. Il offrait bien de lesrendre à la condition d'en recevoir l'hommage; mais, pour rien aumonde, Ban n'eût manqué à la foi qu'il devait au roi Artus.
Il ne restait plus au roi de Benoïc que le château de Trebes, qui,par l'avantage de sa situation entre une rivière et de fortesmurailles, défiait tous les assauts: toutefois il n'était pas àl'abri de la