COLLECTION
DE CENT-CINQUANTE GRAVURES
REPRÉSENTANT
ET FORMANT UNE SUITE
NON INTERROMPUE
DES
Dessinées et Gravées
Imprimerie de LŒRTSCHER et FILS, à Vevey.
Tout le monde connait les aventures de Robinson Crusoé, malgré lescharmantes imitations qu'on a fait de ce roman on revient toujours avecplaisir à l'original; l'ouvrage que je publie se compose de 150 gravures àl'eau forte et retouchées au burin, toutes tirées de cet ouvrage etformant une suite de tableaux qui me paraissent d'un grand intérêt,surtout pour les jeunes gens, et dont l'ensemble met sous les yeux desscènes de tout genre.
Dès mon enfance, ce livre et les figures qui y étaient attachées, fixèrentsingulièrement mon attention; je leur dois le goût de la lecture, dudessin et de l'étude de la nature, et Robinson Crusoé développa chez moile désir de voyager. Avec ces goûts et ces désirs j'allai d'abord enAngleterre, dans le but de me vouer au commerce dont j'avais fait unapprentissage; Arrivant à une époque marquée par de nombreuses faillites,mes amis ne purent me trouver de place convenable à Londres: mais ils m'enprocurèrent une dans une maison de l'isle de la Grenade. Je partis des[Pg iv]dunes le 15 Février 1773, le temps était très mauvais, une tempèteaffreuse, qui fit périr plus de 60 bâtiments, et qui dura quatre jours,nous fit courir les plus grands dangers, et il ne s'en fallut que de 5 à 6pieds que nous ne fussions brisés par un gros vaisseau qui chassait surses ancres; ce fut seulement le 13 Avril que nous arrivames à la Grenade.Pendant mon séjour aux Antilles de 1773 à 1782 j'ai été témoin de la prisede cette isle, par les Français et du combat naval qui se donna près de laville de St. Georges, sa capitale, entre le comte d'Estaing et l'amiralByron; de l'épouvantable ouragan d'Octobre 1780, qui désola les Antilleset couvrit les mers de naufrages; de la grande affaire du 12e Avril 1782,entre le comte de Grasse et l'amiral Rodney; de l'incendie de plusieursnavires et de divers phénomènes qui appartiennent à ces plages lointaines.
Ma passion pour le dessin me fit esquisser ces différents scènes, un grandnombre de paysages et quelques animaux appartenant à ces climats, et je mecomposai un livre d'études, où je peignis la mer sous ses différensaspects de calme et de tempêtes, des vaisseaux avec tous leurs agrès, eten général tout ce qui tient au genre de la marine, si bien étudié etrendu par l'immortel Vernet; mais j'ai malheureusement perdu[Pg v] la plusgrande partie de mes croquis, à la prise de la Grenade, où je fus blessédans les rangs de ceux qui la défendaient et fait prisonnier; c'est alorsqu'un officier anglais, qui fréquentait notre maison, et qui ne s'étaitnullement soucié de se battre, m'enleva mes dessins, et divers événementsfâcheux m'ont privé dans la suite du peu d'esquisses que j'avaisconservées; mais elles étaient peintes dans ma mémoire et j'en ai pureproduire quelques-unes.
J'eus encore occasion d'aller visiter les isles de la Trinité et deTabago, peu éloignées, surtout la première, des magnifiques bouches del'Orénoque, et