TOME CINQUIÈME.
L'HISTOIRE DES SALONS DE PARIS
FORMERA 6 VOL. IN-8o,
Qui paraîtront par livraisons de deux volumes.
La 2e a paru le 11 janvier;
La 3e paraîtra le 15 avril.
Les souscripteurs chez l'éditeur recevront franco l'ouvrage
le jour même de la mise en vente.
PARIS.—IMPRIMERIE DE CASIMIR,
Rue de la Vieille-Monnaie, no 12.
HISTOIRE
DES
SALONS DE PARIS
TABLEAUX ET PORTRAITS
DU GRAND MONDE,
SOUS LOUIS XVI, LE DIRECTOIRE, LE CONSULAT ET L'EMPIRE,
LA RESTAURATION,
ET LE RÈGNE DE LOUIS-PHILIPPE Ier.
par
LA DUCHESSE D'ABRANTÈS.
TOME CINQUIÈME.
À PARIS
CHEZ LADVOCAT, LIBRAIRE
DE S. A. R. M. LE DUC D'ORLÉANS,
PLACE DU PALAIS-ROYAL.
M DCCC XXXVIII.
Toutes les personnes qui ont connu Joséphine peuvent sans douteinvoquer leurs souvenirs sur ce qui la concerne; mais dans le nombreil en est cependant qui ressentent plus vivement la force de cesmêmes souvenirs et peuvent les retrouver avec d'autant plus defidélité que ces mêmes personnes (p. 2) ont vécu près de la femmedont on est aujourd'hui si désireux de connaître les actions, alorsqu'elle était la compagne aimée de l'homme du siècle. On veutsurtout connaître l'époque où la France, fatiguée à la suite d'unlong paroxysme de souffrances, s'était endormie et n'offrait plus àl'étranger les immenses ressources sociables qui l'attirent dansnotre beau pays plus que tous ses autres avantages. Alors Paris étaitune vaste solitude dans laquelle d'anciens amis revenus de l'exilosaient à peine se reconnaître. Ce n'était plus qu'en tremblantqu'on se demandait à soi-même si l'on était toujours Français. Plusde gaieté, plus de cette insouciance qui rendait à nos pères la viesi facile, tout était devenu danger. On tremblait de parler; ontremblait de se taire; le caractère français, jadis si confiant,avait changé sa nature en une sombre inquiétude qui dévoraitl'existence; on était méfiant; et comment ne pas l'être, on avait étési souvent trahi! Aussi, plus de réunions, plus de ces causeries, deces maisons ouvertes, où vingt personnes allaient chaque jour rireet causer avant un souper joyeux; plus de société enfin! Plus desociété en France! cette société habituelle qui faisait notre vie!...Aussi quel voile de deuil était jeté sur toutes les familles! ilsemblait que (p. 3) la mort eût passé par cette ville jadis résonnantdu bruit des chansons, des bals et des fêtes. Était-ce bien la mêmecité où les femmes ne s'occupaient que du soin d'être aimables etaimées?... où les hommes, braves comme les Français l'ont toujoursété, n'en étaient pas moins soigneux de plaire, prévenants etpolis?... On ne voyait plus dans nos promenades, aux spectacles, quede ridicules poupées, ayant même oublié le beau langage pour parlerun sot et rid